Élections Européennes

C'est la première fois en France que j'entends des partis politiques reconnaître une défaite. En réalité, ils n'utilisent pas ce mot de défaite. Ce sont les journalistes qui l'emploient. Les hommes politiques du MoDem et du Parti Socialiste préfèrent dire que les résultats sont assez déplaisants. Il est vrai que la déception est grande et que l'usage de la langue de bois aurait été particulièrement déplacé cette fois-ci. D'autres sont plus satisfaits, mais personne ne devrait pavoiser lorsque le chiffre de l'abstention bat un nouveau record (taux de participation en France 40,5 %, en Europe 43,1 %).

Les résultats en France sont de 27,8 % pour l'UMP (donc 11,3 % par rapport au nombre d'électeurs), 16,5 % en gros pour le PS et Europe Écologie (soit 6,7 % du nombre d'électeurs), et 8,4 % pour le MoDem (3,4 %). Avec ces pourcentages peut-on vraiment dire que les citoyens sont représentés démocratiquement ? Bien sûr on pourra rejeter la faute sur eux au " bon prétexte" qu'ils n'avaient qu'à aller voter. Ce constat ne s'applique pas qu'à la France et je pense que globalement on peut dire à peu près la même chose pour l'Europe entière.

Toutes les bonnes et mauvaises raisons permettent d'expliquer ou de justifier ces résultats. Pour l'UMP on se félicite du bon score pour une formation qui est aux affaires et qui de ce fait est plus critiquée que les autres, d'autant plus que la crise ne pouvait que rendre les choses plus difficiles. On dit aussi que le bilan de Nicolas Sarkozy, surtout au moment de sa présidence européenne, et l'énergie qu'il a montrée pour entreprendre des réformes et prendre des initiatives face à la crise qui sont vraisemblablement à l'origine de ce bon résultat. C'est vraisemblablement assez juste. Pour le PS : les divisions internes, l'absence manifeste de projets, le discours trop critique vis-à-vis du gouvernement et l'absence de propositions alternatives crédibles, ceci explique cela. Il est difficile de le nier. Pour le MoDem et Europe Écologie, qui se sont livré un combat à couteaux tirés pour la troisième place, on avance que la diffusion du film "HOME" a pu jouer, et j'adhère tout à fait à l'opinion que le débat lors de l'émission "À vous de juger", jeudi 4 juin sur France 2, aurait déplacé 18 % des électeurs du MoDem vers Europe Écologie. Je pense aussi que l'ambition présidentielle pour 2012 démesurément affichée par François Bayrou et ses attaques systématiques et excessives à l'encontre de Nicolas Sarkozy ont également pesé lourd dans la balance.

Tout cela s'applique sur la répartition des votes vers les différentes formations participantes, mais n'explique pas les 60 % d'abstentionnistes. Nos élites sont plutôt discrètes sur le pourquoi de ce comportement. On évoque l'absence de débat, le manque d'information sur le fonctionnement de l'Europe, les compétences du Parlement européen, le mode de scrutin, … Certes, mais je crois qu'il y a une autre raison fondamentale que chacun se garde bien de mettre en valeur tant elle me semble gênante pour le système politique dans son ensemble. Je pense que la véritable raison provient du fait que les citoyens ont de plus en plus le sentiment que leur vote ne sert à rien. Qu'il n'a aucune influence sur les décisions qui sont prises par les élus qui nous gouvernent, décisions desquelles découlent notre quotidien et que celui-ci n'est pas celui que nous voulons. Il en est de même vis-à-vis des élus qui se trouvent dans l'opposition et qui donnent l'impression de n'agir de leur côté que par opposition systématique, invectives, dénigrement. À cela s'ajoute le fait que la classe politique en raison du comportement inacceptable de quelques-uns et le langage permanent consistant à ne parler que de futures victoires au détriment de l'adversaire, donne le sentiment que leurs intérêts personnels prennent largement le pas sur l'intérêt des citoyens.

J'ai déjà exprimé ce point de vue sur mon blog à l'occasion de l'élection du président Obama, dans l'article intitulé "Du nouveau à l'ouest !" Les citoyens d'aujourd'hui comprennent de plus en plus que la Société dans laquelle ils vivent ne tourne pas rond et va dans le mur, de plus en plus vite, cela est exprimé par un nombre de plus en plus grand de personnes tout particulièrement dans le domaine de l'environnement, du respect de la planète, mais aussi de la justice sociale, de l'équité. C'est vrai en France tout comme en Europe. Ils attendent que le système politique propose un vrai projet de Société nouvelle, correspondant à leurs aspirations. La campagne pour l'élection présidentielle de 2007 en France a vu une forte mobilisation pour aller voter parce que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royale, par leur charisme, François Bayrou, d'une certaine manière par la présentation de quelques idées intéressantes, ont donné espoir que ce changement pourrait arriver. Aux États-Unis grâce à Barack Obama doté lui aussi d'un très grand charisme, cet espoir a également mobilisé beaucoup d'électeurs. Mais ensuite on s'aperçoit que les bilans et les perspectives sont extrêmement loin des espoirs de la campagne. Il n'y a pas eu de campagne pour les élections européennes et personne n'a suscité de semblables espérances, c'est ce qui explique que l'abstentionnisme n'a fait qu'augmenter. Petit bémol, en France, Europe Écologie, qui a sans doute fait la meilleure campagne, sur des thèmes de plus en plus porteurs dans le coeur des citoyens, peut-être un peu dopé à la dernière minute grâce à "HOME", est la seule formation qui peut se glorifier d'un résultat inattendu. Et je considère que cela vient en appui de mon point de vue.

Ce constat me conforte dans l'opinion que j'ai exprimée à travers mon diaporama sur la démocratie humaniste. En effet, je pense que le système politique ne peut pas apporter tout seul ce changement de plus en plus fortement espéré et que cela ne pourra survenir que si le plus grand nombre de citoyens prend conscience de ses responsabilités en la matière avec une implication plus grande et plus fréquente pour les choix des solutions. Je ne parle pas ici de "démocratie participative", qu'est-ce que cela veut dire ? Je suis persuadé que pour que la démocratie devienne réellement plus humaniste, il est indispensable que nos démocraties représentatives fassent une part grandissante à la démocratie directe. Aujourd'hui ce n'est plus une utopie, grâce aux possibilités offertes par les outils modernes de communication.

On en est encore loin, mais les choses vont tellement vite à notre époque, surtout lorsqu'on le veut !