C'est reparti sur le problème des retraites. Les médias ne parlent plus que de Michael Jackson et de ça. Quelques sondages particulièrement stupides constatent en gros (comme celui paru dans Ouest-France), que :
• 75 % des personnes interrogées sont inquiètes sur le financement de leur retraite.
• Compléter le système par répartition à l'aide de fonds de pension intéresse environ 50 % des Français.
• Seulement 36 % approuvent le recul de l'âge du départ à la retraite au-delà de 60 ans.
• Augmenter les cotisations sociales ne recueille que 26 % d'avis positifs.
• Quant à diminuer le niveau des retraites, seulement 9 % l'envisagent.
Je dis que ce genre de sondage est stupide, car lorsqu'on pose à quelqu'un la question de savoir s'il préfère quelque chose d'intéressant au quelque chose de moins intéressant, il est clair que la majorité va choisir la première alternative. Pas tous, bien sûr, tout le monde n'a pas forcément compris de quoi il s'agit, certains pensent qu'il doit y avoir un piège derrière la question.
De quoi s'agit-il ?
L'espérance de vie a augmenté de façon extraordinaire et cela va continuer. Les personnes âgées sont la plupart en bonne santé et en bonne forme de plus en plus longtemps. Le système des retraites repose en gros sur le principe suivant : ceux qui travaillent aujourd'hui financent les retraites de ceux qui en bénéficient. Ces derniers sont de plus en plus nombreux, alors qu'en parallèle ceux qui travaillent voient leurs effectifs diminuer en raison des gains de productivité et des délocalisations. Le système n'est pas viable et il va exploser à très court terme si on ne le fait pas évoluer. Pour une fois, tout le monde semble être d'accord sur ce point de vue (les hommes politiques, les syndicats, la population). Là où le bât blesse, c'est sur le choix des solutions. Comme par hasard, les responsables au pouvoir ont un schéma en tête, sur lequel ils veulent bien débattre, tout en étant persuadés qu'il n'y a pas d'autre solution possible. François Fillon a affirmé samedi 27 juin : "il n'y a pas d'autre solution que de travailler plus longtemps". Il envisage un débat sur l'âge légal de la retraite si l'allongement de la durée de cotisation n'est pas suffisant pour convaincre les Français de rester plus longtemps au travail. Les partis politiques qui ne sont pas au pouvoir, se font un plaisir de proclamer que ce schéma ne tient pas debout (pour des raisons totalement démagogiques) et ne proposent rien d'autre que des alternatives de détail, sans doute bien heureux de ne pas être au pouvoir à l'instant présent, ce problème pouvant être qualifié de " patate chaude".
Répondant à François Fillon, la CFTC proclame " cette déclaration est aventureuse". Les syndicats, comme toujours, n'ont qu'une seule idée en tête : préserver les avantages acquis. Le débat va être donc être long, semé d'embûches et de conflits et l'on aboutira une fois de plus : au mieux à un compromis sur une usine à gaz, ou plus vraisemblablement sur une formule plutôt imposée par le gouvernement et soi-disant subie par les syndicats. Tout le monde sera satisfait de ne pas avoir perdu la face. Les intéressés n'auront qu'à faire avec. La plupart d'entre eux n'auront pas vraiment compris à quelle sauce nous allons être mangés, l'inquiétude sera toujours là, tout comme la défiance vis-à-vis de ceux qui nous gouvernent et de ceux qui prétendent défendre nos intérêts.
Pour ma part j'ai cru comprendre que ce qui est envisagé par le gouvernement peut se résumer de la façon suivante :
• La quasi-totalité des grands pays industriels a décidé, voire envisagé de repousser progressivement l'âge légal de départ à la retraite à 67 ans (d'ici 2040). Certains comme l'Allemagne y sont déjà. Nous devrons y venir aussi.
• La durée de cotisation dans la fonction publique étant maintenant alignée sur celle du secteur privé, on peut envisager un allongement de la durée de cotisation de référence (à 41 ans en 2012,42 ans en 2016 et 43 ans en 2020).
• Pour rendre ces mesures acceptables, une retraite à la carte serait mise en place, avec un âge minimum de départ à la retraite de 60 ans. Il serait possible après 60 ans de cumuler de façon illimitée des revenus et la pension de retraite.
• De même, cette réforme pourrait s'accompagner du développement de systèmes par capitalisation pour compléter les régimes par répartition. Pour que cela soit plus équitable, ne pas augmenter les inégalités entre ceux qui peuvent épargner et ceux qui ne le peuvent pas, l'idée serait de rendre les fonds de capitalisation obligatoires avec un abondement des employeurs sur les cotisations versées par les personnes ayant des bas salaires.
A priori, cela peut sembler raisonnable. Mais, ce serait trop beau que tout le monde soit d'accord sur cette solution. Chacun va trouver des défauts à cette construction. Qu'ils soient de détail ou effectivement graves, peu importe. Ce qui comptera c'est l'impact que l'on pourra utiliser auprès de l'opinion publique, à l'aide de quelques slogans porteurs, pour décrédibiliser le pouvoir en place.
En réalité, je vois 2 points importants qui vont vraisemblablement ne pas être correctement traités ce qui une fois de plus sera fort dommageable.
Le premier point est "l'argument massue", déjà largement soulevé, à juste titre, pour lequel aucune réponse valable n'est apportée. Comment demander aux gens de travailler plus et plus longtemps, lorsque l'offre de travail diminue et que la logique des choses fait que cela devrait continuer ? Les machines remplacent les hommes, on délocalise, les puissances émergentes vont prendre une place de plus en plus importante dans la production mondiale, dans un monde dans lequel les ressources ne sont pas illimitées. "Le contre argument massue" c'est l'appel au sauveur miraculeux, le " Zorro", le " Superman " de l'économie, j'ai nommé le mythe de la croissance perpétuelle. On n'est donc pas près de sortir du système des " dialogues de sourds".
Le second point, qui peut sembler plus facile à résoudre, mais dont l'importance est capitale, c'est l'explication des solutions proposées aux intéressés. Je parle bien sûr, une explication claire, synthétique, sans parti pris. Je crains que pour le moment ce soit tout aussi mission impossible, pour des raisons similaires à celles du premier point.
Certains points aussi soulevés sont ceux de la pénibilité, ceux des travailleurs âgés qui de ce fait ne peuvent plus assumer leur métier pour des raisons diverses, fatigue, perte de certaines capacités, etc. Tenter de répondre à ces questions par des règles sur les durées de cotisations ne me semble pas être la meilleure des choses. Comment classifier la pénibilité des métiers de manière juste et objective ? Ce qu'il faut avant tout c'est supprimer la pénibilité, la dangerosité (ce qui d'ailleurs risque de supprimer aussi des emplois par remplacement de l'homme par des robots). Mais surtout dans le monde d'aujourd'hui et de demain dans lequel l'emploi à vie n'existera pour ainsi dire plus, il faut apprendre à chaque individu à savoir changer, se remettre en cause, fréquemment. Ainsi lorsqu'il ne sera plus possible à une personne de continuer à remplir une tâche que l'âge ne lui permet plus, elle sera armée pour envisager une reconversion compatible avec l'évolution de sa situation physique. C'est vers des réflexions de cette nature qu'il faut s'engager.
Mais, que peut-on faire ?
Pour ma part j'ai essayé de réfléchir à ces problèmes, dans mon livre Utopies ?
Je n'ai pas la prétention d'avoir trouvé des solutions miracles, seulement d'avoir fait fonctionner mon bon sens. Je pense tout d'abord que l'on ne pourra pas trouver de bonnes solutions tant que l'on restera enfermé dans la logique actuelle. Il faut sortir du cadre. Et cela est sans doute très difficile à tous ceux qui aujourd'hui sont impliqués dans les problèmes quotidiens.
La seule vraie façon de construire quelque chose qui sera véritablement efficace, consiste à remettre grandement en cause ce qui existe et de reconstruire un ensemble plus simple. Il faut sortir de la façon traditionnelle de résoudre les problèmes, puisque l'on constate que ses résultats sont manifestement insuffisants. Il faut sortir de ce mode de résolution qui consiste à retoucher, aménager, voire substituer quelque chose de différent ou de complémentaire au "patchwork" des mesures existantes. Il faut une réflexion plus large, une réflexion d'ensemble avec une remise en cause importante de l'existant, tant les choses sont imbriquées entre elles. C'est ce que j'ai essayé de faire dans mon livre avec une réflexion dans les trois domaines suivants, par exemple.
Dans le domaine économique et social, celle du "Bouclier Social" et un développement fort intéressant à propos du "concept de travail", en forte évolution. Pour la faisabilité, avec une réflexion sur les blocages de notre Société dans laquelle les citoyens qui aspirent fortement à voir les choses s'améliorer s'opposent quasi systématiquement aux changements qui leur sont proposés.
• Dans notre monde très complexe, on ne peut pas vivre, exister, s'intégrer à la société, sans un minimum de moyens. On s'efforce déjà de les donner, mais de façon trop compliquée et insuffisante. Ce "Bouclier Social" est une remise à plat, accompagnée de quelques améliorations, pour remplacer la "foultitude" de mesures en vigueur, accumulées les unes derrière les autres.
• La notion de travail telle que nous la connaissons depuis des générations est en train de subir une évolution sans précédent. La machine sous toutes ses formes se substitue de plus en plus à l'homme. Les caisses automatiques prennent la place des caissières, les conducteurs de bus, de train, ou les pilotes d'avion vont disparaître. On peut s'y opposer, ralentir le mouvement, mais c'est inéluctable. Et cela va toucher de nombreux domaines. Ce n'est pas forcément un mal, ce qui nous intéresse ce n'est pas de travailler dur, mais de pouvoir vivre. Une remise en cause de notre appréhension des choses s'impose. Il existe un gisement d'activités peu ou mal exploitées, car non rentables dans la vision économique actuelle. On ne peut pas confiner la prospérité d'une Société aux seules richesses marchandes. Les citoyens et leur bon sens ne cessent de le dire. Il n'est pas possible non plus de s'affranchir d'une réflexion sur le partage du travail, au mauvais prétexte du mauvais exemple de l'échec des 35 heures (échec essentiellement dû au fait que ce système a été construit dans la logique actuelle avec laquelle il est incompatible).
• Ce qui constitue l'utopie, ce n'est pas la faisabilité des propositions, mais la volonté de le faire. Le système politique dans son mode de fonctionnement présent ne peut pas conduire ces réformes pourtant indispensables. Notre démocratie représentative doit faire une part grandissante à la démocratie directe. Les outils modernes le permettent. Les citoyens doivent comprendre que leur responsabilité est engagée, que ces évolutions qu'ils attendent avec impatience ne pourront se faire que s'ils prennent en main leur destin. Alors, nos démocraties auront toute chance de devenir plus humanistes.
Pour approfondir ce point de vue exprimé à propos de l'actualité aujourd'hui focalisée sur les retraites, je vous invite à regarder quelques-uns des diaporamas présentés sur mon Site, à parcourir quelques extraits du livre, les courriers de quelques lecteurs, puis de vous procurer le livre qui traite ces sujets de manière plus approfondie.
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