La crise financière, sans précédent depuis la dernière guerre nous dit-on, occupe le devant de la scène et tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'une crise très grave, qui aura des conséquences négatives à peu près partout sur la planète. J'ai envie de dire "tant mieux". Tant mieux, si elle nous sert de leçon et nous conduit à faire les évolutions qui nous permettront de vivre dans un monde plus raisonnable, plus équitable. La prise de conscience semble réelle, aujourd'hui, en ce qui concerne les problèmes environnementaux, la sauvegarde des équilibres fondamentaux de la planète sur laquelle nous vivons. Ce qui est intéressant, c'est que ce sont les citoyens qui ont pris la dimension du problème et qui, par leurs actions ponctuelles, mais multiples, par la pression qu'ils exercent et qui est reprise par les médias, ont réussi à sensibiliser nos élites. Le monde politique comprend qu'il ne peut plus laisser de côté ce problème et le monde économique perçoit tout l'intérêt qu'il pourrait trouver en s'intéressant à ce créneau. Cela a pris du temps, espérons qu'il ne s'agit pas d'un soufflé qui retombera dans l’attente d'une catastrophe pour nous rappeler à l'ordre une fois de plus, à moins qu'il ne soit trop tard. Face aux problèmes économiques, il me semble que nous sommes dans une situation similaire. Les défis auxquels nous sommes confrontés sont nombreux et d'importance. Par exemple :
l'épuisement des ressources naturelles,
l'évolution démographique,
la mondialisation,
l'émergence de nouvelles puissances économiques, Chine, Inde, Brésil,...
les risques de pénurie d'eau, la pénurie alimentaire qui s'installe,
les risques d'explosions sociales planétaires,
la notion de travail qui évolue considérablement,
etc.
Ce qui est étonnant, c'est que tout le monde est conscient de ces problèmes, mais que personne ne s'y attaque véritablement. Les citoyens se contentent de râler, de se plaindre de nos gouvernants (que font-ils ? Qu’attendent-t-ils ?), sans prendre conscience que, tout comme pour les problèmes environnementaux, rien ne pourra se faire de manière conséquente sans leur volonté clairement et fortement exprimée. Les hommes politiques se débattent avec les problèmes du quotidien, certes nombreux et bien souvent insolubles lorsque l’on continue à appliquer les méthodes traditionnelles. Leur capacité d’action est anesthésiée par leurs disputes intestines permanentes entre personnes du même bord ou de partis adverses. Ils sont pris entre l'enclume et le marteau, les puissances financières qui tentent de leur imposer leurs diktats et le peuple qui n'est pas content et demande toujours plus, aiguillonné par tous ceux qui se trouvant dans l'opposition ne reculent devant aucune critique, aucun argument démagogique, quand il ne s’agit pas de dénigrement, voire de calomnie. Ceux qui détiennent la puissance financière, le moteur en quelque sorte, d'une manière générale ne sont préoccupés que par leurs profits. Tout leur semble permis et, les conséquences de leurs actes et de leur comportement sur "sur le reste" du monde ne les effleurent même pas.
Ce qui est désespérant c'est que tout cela était non seulement prévisible, mais a été annoncé en de multiples occasions. Pourtant, personne ne veut entendre ces prophètes de malheur. Au lieu de se rassembler pour essayer de construire de véritables réponses, chacun y va de son petit mot, de ses clichés idéologiques. Au gouvernement on parle de "croissance légèrement négative", ou de "récession technique". Dans l'opposition, on tire sur le gouvernement qui risque de plonger le pays dans une "récession inextricable". La CGT, qui tente de mobiliser pour une action sur le pouvoir d'achat, affirme "il faut revenir aux fondamentaux pour assurer une croissance économique : des salaires qui progressent et un emploi qui se stabilise au lieu de se précariser". Tous sont d'accord pour en appeler au retour de la croissance porteuse de salut, mythe bien tenace. Quand donc arrêtera-t-on de nous faire prendre des vessies pour des lanternes avec cette invocation totalement absurde ? C'est quoi cette croissance perpétuelle qui ne s'arrête jamais ? Après les États-Unis où le Congrès dans une première étape a rejeté le plan Paulson, pour des raisons essentiellement électoralistes, on voit l'Europe incapable d'affirmer une position unitaire solide et l’on s'en tire par une pirouette en affirmant que chaque pays le fera avec ses moyens propres, mais de manière coordonnée avec ses partenaires de l'Union européenne. Cela n'a pas eu d'effet, on le voit avec les réactions de la bourse ce lundi 6 octobre, mais on a sauvé la face, pour le moment.
Cette crise des "surprimes", résultante de montages très sophistiqués auxquels plus personne ne comprend rien, c'est, pour le dire en quelques mots, peut-être simplificateurs, mais explicites :
Des courtiers qui prêtent de l'argent pour acquérir un bien immobilier à des gens qui n'ont pas la capacité de les rembourser, misant sur l'évolution du prix de l'immobilier pour récupérer " leurs billes". Ces créances douteuses, pour ne pas dire pourries, des stratèges de la banque les transforment en titres négociables que l'on vend à des investisseurs (banques, compagnies d'assurances par exemple), dispersés dans le monde entier. On finit par ne plus trop savoir de quoi ils sont constitués. Cependant, lorsque la crise arrive, puisque l'on a créé de l'argent "fictif" en quelque sorte, et que l'on découvre les dégâts chez les premiers touchés, chacun se méfie de l'autre, et le système s'enraye, et plus il s'enraye plus il se bloque, la peur s'installant.
Tous ceux qui ont participé à cette folie, ce sont des élites, pas le peuple besogneux et naïf. Les gouvernements (d'autres élites qui n'ont paraît-il rien vu venir) se rendent compte qu'il faut agir pour éviter les catastrophes dont ils risquent, à juste titre, d'être victimes. Mais là encore, la peur, mais aussi l'impréparation, pour ne pas dire l'incompétence, font qu'il va falloir du temps pour que les mesures qu'ils prennent à coups d'urgences commencent à faire effet. Hélas, le mal est déjà bien installé et nombreux sont ceux qui vont en souffrir, à commencer par les moins fortunés. Par-dessus le marché, ce sont eux qu'on va solliciter pour régler la facture. Les détenteurs des puissances financières n'ont pas trop de soucis à se faire, protégés qu'ils sont par les règles juridiques qu'ils ont réussi à imposer aux hommes politiques qui font les lois et n'ont pas le courage, ni, sans doute, le pouvoir de s'y opposer.
Puisque les médias nous inondent en ce moment d'articles sur Picasso, en raison de l'exposition "Picasso et les maîtres" qui se tient au Grand Palais, je ne peux résister au plaisir de rappeler la confession qu'il fit en 1952 à son ami l’écrivain Giovanni Papini. Combien parmi nos élites ressemblent à ses contemporains dont il a épuisé le mieux qu’il a pu l’Imbécillité, la Vanité, la Cupidité ? Combien parmi nos élites lui ressemblent et s'amusent à toutes ces fariboles pour épuiser le mieux possible l’Imbécillité, la Vanité, la Cupidité de leurs contemporains ? Pas tous bien sûr, mais pour reprendre ma conclusion (que vous trouverez dans mon diaporama) en réponse à cette grave question : La démocratie humaniste est-elle conciliable avec notre système économique actuel ? je suis de plus en plus persuadé que pour que la démocratie devienne de plus en plus humaniste il faut qu'elle devienne de plus en plus directe.
Et notre démocratie, la tentation est grande de la remettre en cause, et certains ne se gênent pas pour le dire, fortement et de plus en plus fréquemment : les régimes autoritaires, la Chine par exemple ne se sortent-ils pas moins mal que nous des maux de nos démocraties ?
J'entends dire, je lis, que notre monde occidental déclinant est bien fragilisé, qu'il est en train de passer le flambeau vers l'Asie où la Chine, l'Inde, puissances qui se réveillent, semblent mieux placées que nous, grâce à leur enthousiasme, leur créativité, leur capacité à accepter la souffrance et les difficultés, avec l'espoir d'en finir avec leurs conditions de vie particulièrement difficiles. Ce ne sera ni la première fois, ni la dernière que de grandes civilisations se seront effondrées et auront été remplacées par d'autres. Ce n'est pas forcément un mal qu'un monde nouveau succède à l'ancien. La culture occidentale ne rayonne plus, ce sont l'économie, la possession, l'individualisme, le matérialisme qui gouvernent. Nous avons l'illusion d'être les meilleurs, les plus forts, pour longtemps encore.
Pourtant, nous ne manquons pas de talent, de richesses, de valeurs. Sachons les apporter comme contribution à cette mutation qui se prépare, et que nous pouvons accompagner si nous le voulons. Mais pour cela, je crois encore qu'il est indispensable que nous, les citoyens, prenions conscience de nos responsabilités et que dans nos sociétés déclinantes, rien ne pourra se construire si nous ne savons pas y prendre part.
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