Nos élus sont appelés à se prononcer par un vote pour réformer la Constitution. Cela me paraît chose importante, à moi, simple citoyen. J'entends dire qu'un sondage annonce que 90 % des Français seraient favorables à un vote positif. Si cela est exact, il s'agit là d'une belle unanimité. Je pense toutefois que si la question avait été posée, non pas dans un sondage, mais dans une consultation réelle (un référendum par exemple), la réponse serait toute autre. Il est vraisemblable que le non l'emporterait fortement, ceci, non pas parce que les Français seraient versatiles ou incohérents, simplement parce qu'ils trouveraient là, la possibilité de sanctionner le chef de l'État, qu'ils ont pourtant élu il n'y a pas si longtemps. Il y aurait détournement d'objectif, fortement encouragé, conseillé, par toute la classe politique dans l'opposition. Je pense que notre président bien conscient de ce danger a préféré choisir un vote du Congrès, a priori moins dangereux. L'agitation de ces derniers jours montre bien que l'a priori n'est pas aussi certain qu'on aurait pu le croire. Lorsque ces lignes seront publiées, si elles le sont, le résultat sera connu.
Peu importe, ce qu'il sera, en réalité il n'est pas au coeur de mon propos dans cet article. Je ne suis pas sûr non plus, que cette agitation concernait le contenu de la réforme. Je pense, comment ne pas le penser, que la préoccupation des uns et des autres se fixait plutôt sur l'incidence du résultat quant à la crédibilité des uns et des autres, les dégâts que cela pourrait faire d'un côté ou de l'autre. L'échec affaiblirait l'autorité de l'exécutif déjà bien à la peine dans le climat économique du moment. Il ne manquerait pas de renforcer les divisions au sein de la majorité. À l'inverse, l'adoption de la réforme aurait certainement un impact plutôt positif pour celle-ci. La gauche, elle, a trouvé là moyen de se ressouder, du moins en apparence. C'est en effet plus facile pour tout le monde de faire l'union contre la réforme, plutôt que pour untel ou unetelle qui pensent être les meilleurs candidats pour être le leader du parti, celui ou celle qui a vraiment les atouts pour gagner la prochaine présidentielle.
Ce matin j'entendais Manuel Valls justifier l'injustifiable sur les ondes. Je n'ai rien de spécial contre lui, ce pourrait tout à fait être un autre, d'un autre parti, un autre jour, à propos d'une autre question, que je pourrais prendre à témoin pour illustrer ce billet. Il y a quelques semaines, avec un certain nombre d'autres socialistes, il était prêt à prendre ses responsabilités et voter pour cette réforme. Entre-temps les caciques du parti ont rappelé à l'ordre. Avec un habillage bien travaillé quant au discours à tenir, il y a eu matière à renier ses convictions, sans donner l'impression de se déjuger. Il reconnaît que passer à côté d'un consensus pour faire évoluer la Constitution est un gâchis. Mais, c'est de la faute de Sarkozy, qui lui n'a pas fait ce qu'il fallait. Pourtant, quelques gestes ont été faits ces derniers jours, par François Fillon par exemple à propos de la proportionnelle. Trop tard ! J'ai pourtant entendu dire qu'il n'était jamais trop tard pour bien faire. Mais là, l'objectif est plutôt de défaire. Au journaliste qui lui posait la question de savoir si ce genre de comportement ne risquait pas d'accroître l'antiparlementarisme. Il a répondu, benoîtement : "et oui ... Je ne suis pas très heureux de ce qui se passe. C'est un gâchis. Ça n'honore pas la politique, et je crains que la crise de confiance que notre pays connaît déjà depuis quelques mois, marquée par l'abstention par exemple à l'occasion des élections municipales, le rejet de nouveau du pouvoir ne s'accentue avec le spectacle nous sommes en train de donner aujourd'hui." Lucide, n'est-ce pas ?
Ce week-end, je participais à quelques salons, pour parler de mon livre. Systématiquement, après avoir évoqué les pistes de réflexion que je propose, la question qui m'est posée est : oui, c'est intéressant, mais comment faire pour mettre cela en place ? Nous embrayons alors sur nos braves hommes politiques. Et lorsqu’en fin de compte je pose la question cruciale, votez-vous, leur faites-vous confiance ? La réponse est régulièrement négative. Beaucoup votent, bien sûr, comme moi, tout en sachant que les choses ne changeront pas vraiment. Je vote depuis 50 ans. Pendant longtemps, avec beaucoup d'enthousiasme, j'ai cru aux promesses, pas toutes bien sûr, mais quand même. Je continue à voter, parce que je considère que ne rien faire, c'est se dérober. Mais je n'ai plus la foi, et c'est pour ça que dans mon livre j'évoque d'autres pistes. Utopique sans doute, non pas à cause de la faisabilité, mais à cause de notre volonté de vouloir vraiment que les choses changent, tout comme nous aussi dans nos comportements.
Je sais bien qu'affirmer une chose à partir d'un échantillon restreint, un peu particulier, puisque les personnes qui passent par là sont loin de représenter la diversité d'un peuple, a de fortes chances d'être erroné. Mais quand même, je suis bien tenté de croire qu'on n'est pas loin de la vérité en extrapolant ces réponses. Comment peut-on espérer que ceux qui prennent les décisions pour nous puissent aboutir à un résultat acceptable, tant est grand le décalage entre eux et nous ?
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