Exposition - 8 octobre 2008 - 2 février 2009 - Les Galeries nationales du Grand Palais
J'ai toujours eu beaucoup de mal à comprendre la peinture dite moderne, non figurative, comme le cubisme par exemple. Et malgré le temps, cela continue.
J'ai écrit ces quelques lignes, page 44, dans mon livre Utopies ?
Des chercheurs se sont longuement penchés sur les capacités du cerveau humain. Elles sont formidables et, chaque jour, on en découvre de nouvelles. L’intelligence, de quoi s’agit-il ? Des études et une littérature abondante nous apportent des réponses. En définitive, on ne sait pas très bien ce que c’est, ni comment la définir. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il en existe différentes catégories : organisationnelle, linguistique, musicale, spatiale et visuelle, corporelle, mathématique, émotionnelle…
Peut-être y a-t-il là une explication en ce qui me concerne, je l’accepte bien volontiers. Mais, je découvre cette confession de Picasso qui me rassure, ... un peu. Je ne résiste pas au plaisir de la publier ci-dessous, car elle m'inspire quelques réflexions sur les grands de ce monde, ces élites qui nous gouvernent, qui dirigent la planète. Je les exposerai dans un autre billet.
Extrait de la lettre de confession de Picasso, en 1952, à son ami l’écrivain Giovanni Papini.
Du moment que l’Art n’est plus l’aliment qui nourrit les meilleurs, l’artiste peut exercer son talent en toutes les tentatives de nouvelles formules, en tous les caprices de la fantaisie, en tous les expédients du charlatanisme intellectuel.
Dans l’Art, le peuple ne cherche plus consolation et exaltation, mais les raffinés, les riches, les oisifs, les distillateurs de quintessence, cherchent le nouveau, l’étrange, l’argent, l’ extravagant, le scandaleux. Et, moi-même, depuis le cubisme et au-delà, j’ai contenté ces maîtres et ces critiques, avec toutes les bizarreries changeantes qui me sont passées en tête, et, moins ils les comprenaient et plus ils m’admiraient.
À force de m’amuser à tous ces jeux, à toutes ces fariboles, à tous ces casse-tête, rebus et arabesques, je suis devenu célèbre et très rapidement. Et la célébrité pour un peintre signifie : Ventes, Gains, Fortune, Richesse. Et, aujourd’hui, comme vous savez, je suis célèbre, je suis riche. Mais quand je suis seul avec moi-même, je n’ai pas le courage de me considérer comme un artiste dans le sens antique du mot. Ce furent de grands peintres que GIOTTO, le TITIEN, REMBRANDT, GOYA ; je suis seulement un amuseur public qui a compris son temps et a épuisé le mieux qu’il a pu l’Imbécillité, la Vanité, la Cupidité de ses contemporains. C’est une amère confession que la mienne, plus douloureuse qu’elle peut sembler, mais elle a le mérite d’être sincère.
@ Dominique
Nous sommes à égalité au moins sur ce point : Je ne comprends pas grand chose moi non plus à l'art abstrait ; crétinisme probablement, dont je me satisfait en pensant que si je n'y comprends pas grand chose, en dépit de toutes les savantes explications que fournissent les docteurs en la matière, c'est peut-être parce que tous simplement il n'y a rien à comprendre.
Quoi qu'il en soit, en écho à ton propos, je te fais part d'observations relevées dans mon journal.
3 juillet 2002
Nous avons eu hier soir à table, une discussion assez vive sur l’art et en particulier sur Picasso.
Il y a un “artistiquement correct” comme il y a un “politiquement correct”, or je ne suis pas correct. De plus, je refuse pour ma part d’accorder aux vedettes de l’art le statut que lui accorde un peu vite le plus grand nombre, sans pour autant nier le statut d'œuvres d'art à des tableaux que je comprends souvent trop peu pour porter un jugement, au delà de l’émotion qu’ils peuvent m’inspirer.
Le caractère “diarrhéique” de la production de certains artistes ajoute encore au caractère incompréhensible de ce qu’ils font, pour le bonheur des “docteurs de la foi” qui dès lors auront de quoi expliquer.
Tout au plus “art de laboratoire”, compris des seuls initiés (Même problème posé par la science). Un art d’initiés est un abus de pouvoir intellectuel qui se développe à son aise sur les friches intellectuelles
Exhibition et provocation sont les deux mamelles du marketing, lequel est garant de la notoriété bientôt suivie du succès commercial de l’artiste qu’il a pris en charge.
Un art qui n’est pas lisible par le commun des mortels est sorti des limites de l’art. Il y a de la schizophrénie chez l’artiste tellement ésotérique ou abstrait – ce qui revient au même – qu’il finit par n’être compris que de lui-même (?), de ses initiés et des snobs.
L’art est confisqué par ceux qui réussissent commercialement, au détriment du plus grand nombre, dans lequel les talents sont enfouis.
Les expositions sont des opérations qui profitent plus à ceux qui ont acquis une notoriété qu’à l’art qu’elles sont sensées présenter. Le culte de la personnalité se substitue trop facilement à l’amour de l’art.
Peindre pour soi ? Pourquoi pas ? Que fait d’autre l’artiste abstrait compris de lui seul, avant que lui-même (ou d’autres s’y prétendant autorisés) ait expliqué ses intentions.
Panurgisme et snobisme. Je préfère encore l’art pour tous à tous pour l’art
9 octobre 2008
Note à divers journaux et magazines, dont le Point qui l'a publiée, toujours à propos de l'expo Picasso.
« Picasso serait aujourd’hui dans le désespoir quant à son œuvre. Il juge qu’il s’est trompé de route, que le cubisme est une impasse et ne peut mener à rien. Il regrette de n’avoir pas suivi sa première voie et considère comme néant tout ce qu’il a fait. » Paul Léautaud - Le Journal littéraire.
La démarche cubiste de Picasso, qui a surtout mené à des résultats hautement lucratifs, peut aussi être considérée sur le plan esthétique comme nulle, ainsi que la plupart de ce qu'a produit cette "libération des mœurs et des esprits" flamboyant dans l'entre deux guerres ; conséquence du supplément de vanité tiré par l'homme de la révolution industrielle, aggravé du traumatisme qu'il s'est infligé par les deux conflits mondiaux qui l'ont suivi.
Après l'enflure dans tous les domaines, le soufflé retombe de nos jours, avec comme dommage majeur le naufrage de cette aristocratie de l'esprit, par laquelle l'être le plus commun peut se distinguer de ses semblable en refusant la loi du nombre (adorateur du veau d'or) qui ne peut que mener à la médiocrité en tout : loisirs, arts, culture, affaires, cuisine, santé, politique, etc. C'est la contamination people galopante. C'est encore s'éloigner de cette aristocratie que d'enfourcher en tonitruant la première monture qui passe, pourvu que sa chevauchée provoque la surprise, du sensationnel, et mieux encore, le scandale.
Le dernier des jobards n'a qu'à suivre l'exemple de leaders, plus souvent activistes de l'enrichissement personnel que compétents – bien qu'il arrive à certains de l'être, comme ce fut le cas de Picasso –, pour être l'égal des dieux. Le bonheur dans la gloire partagée ! Avec le fric en prime pour les plus malins. Qu'importe qu'en soient dignes et surtout comprises les raisons.
Mais de grâce, ne confondons pas “peintre le plus célèbre” avec “peintre le plus grand” de son siècle. La célébrité s'achète – l'intérêt des grandes fortunes pour l'art en est la démonstration, la grandeur non.
Rédigé par : Claudec | 13 mars 2009 à 14:22